Un tour du monde sur les traces de Tintin.



Les Jivaros

Hergé se serait-il inspiré des Indiens JIVAROS pour créer ses Indiens BIBAROS: « les plus féroces de toute l 'Amérique du Sud! » ? (planche 45 de l 'Oreille Cassée)

Le territoire des Jivaros s'étend sur la partie haute de l'Amazonie, entre l'Equateur et le Pérou. A eux seuls (ils sont 130 000) ils forment l'ethnie la plus importante de la forêt amazonienne et certainement la plus respectée. Et pour cause: la légende dit que ces guerriers redoutables sont prêts à tuer s'ils sentent leur environnement menacé. Quelques-uns seraient encore même attachés à la coutume suprême qui veut que la force des hommes se mesure au nombre de têtes tranchées qu'ils collectionnent comme des trophées.

Répartis en cinq tribus (les Achuar, les Shuar, les Schiwar, les Aguarunas et les Huambisa) les Indiens Jivaros (qui veut dire « guerriers féroces » en espagnol) vivent en autarcie totale et refusent l'idée de se soumettre à toute forme d'état ou de religion. Seuls les chamans, de par leurs pouvoirs surnaturels, parviennent à se faire respecter. Toutefois, ces guerriers-guérisseurs, détenteurs de savoirs ancestraux, ne sont pas à l'abri d'une vendetta. Car si leur médecine, essentiellement basée sur les vertus de certaines plantes, permet de sauver la vie d'un Jivaro,(avant de partir au combat, l'Indien s'enduit le thorax de pulpe d'aloès pour se rendre invincible) il suffit d'un mauvais sort, d'un simple cantique pour qu'il succombe aussitôt. Ainsi la mort d'un malade est souvent imputée aux maléfices d'un chaman du clan ennemi qui se serait servi de flèches invisibles pour lui jeter un mauvais sort.

La vengeance des proches du défunt se traduit alors par l'organisation d'une TSANTSA qui consiste à trancher la tête de l'ennemi d'un coup de manchette. Puis, après en avoir extrait la chair et la cervelle, le Jivaro brise les os, plonge les cheveux et la peau dans une mixture qu'il laisse macérer pendant 3 jours. S'ensuit alors toute une série d'incantations et de danses, puis il y introduit du sable chaud et remodèle le visage. Pour terminer, il coud les lèvres à l'aide de fibres végétales afin d'éviter que le mort ne se plaigne des mauvais traitements qu'on lui a infligés.

Si les femmes ont toujours échappé à ce genre de supplice, c'est uniquement parce que les hommes considèrent qu'elles n'ont pas de cervelle! Néanmoins, elles tiennent une place importante dans cette communauté polygame et savent se faire respecter puisque, outre les taches maternelles et ménagères, elles ont l'immense « privilège » d'élever les chiens et de cultiver le jardin (les animaux et les fleurs étant considérés comme des sujets à part entière qui possèdent une âme). Aussi, pour inciter les plantes à croître et à se diversifier, elles multiplient les invocations à longueur de journée et se retrouvent chaque jour au coeur de la forêt où pousse le manioc, élément de base de leur alimentation et de la fabrication de la chicha (bière de manioc fermenté) dont le peuple Jivaro fait un grande consommation: jusqu'à douze litres par jour pour les hommes, huit litres pour les femmes et deux pour les enfants!

Les hommes, eux, consacrent leur temps à la chasse et à la pêche. Chaque matin, après une séance quotidienne de vomissement, ils se réunissent pour interpréter les rêves de la nuit. Ensuite, ils partent chasser le gibier qu'ils ne déciment jamais avec une arme ayant servi à tuer un Jivaro du clan ennemi. Héritage d'un passé où ils ont du lutter farouchement contre la conquête de leur territoire par les espagnols, ils continuent à vivre avec la certitude que les ennemis tués au combat vont revenir un jour pour se venger. La nuit, ils se barricadent et dorment à côté de leur fusil.

Depuis quelque temps, il semblerait que les Jivaros se tournent peu à peu vers le monde moderne même s'ils continuent à se battre pour préserver leur identité culturelle. En 1964, face à l'exploitation grandissante des terres d'Amazonie qui mettait en péril la survie de leur peuple, ils ont créé, avec le soutien des missionnaires, la fédération des centres Shuar qui les protège sur plusieurs plans: l'état civil, le cadastre, la propriété de la terre, la santé et l'éducation. C'est ainsi que, grâce aux aides humanitaires occidentales et à l'UNESCO, deux cents écoles ont été mises à la disposition des enfants. Aujourd'hui, certains jeunes Jivaros poursuivent même leurs études à l'université de Quito. Les adultes, eux, se sont reconvertis dans l'élevage et ont désormais un meilleur train de vie. Une évolution qui toutefois ne remet pas en cause leur état d'esprit, leur identité et leur façon de vivre qui reste, malgré tout, toujours aussi sauvage. La preuve, on ne s'aventure pas facilement sur leurs terres...